Si Guînes nous était contée

La ville de Guînes, autrefois capitale d’un comté qui n’a pas été sans renom dans l’histoire, est située sur la déclivité du plateau qui sépare le Boulonnais du Calaisis, au bord de la plaine marécageuse, aujourd’hui parfaitement assainie, qui s’étend jusqu’au rivage de la mer.

Les origines de la ville de Guînes se perdent dans la nuit du Moyen-âge. Après la retraite des Romains devant la poussée des grandes invasions Barbares, le territoire de Guînes devint, selon la légende, car nous ne possédons aucun document précis sur cette époque, la propriété d’Aigneric, maire du palais de Théodebert II, roi des burgondes. Il semble bien que dès le VIIème siècle, le territoire fit partie du comté de Flandres qui englobait tout le pays compris entre la Somme et l’Escaut. Vers 663, Walbert, Comte d’Arques, remit entre les mains de saint Bertin, apôtre de la région de Saint-Omer et fondateur de l’Abbaye qui porte son nom, toutes les terres qu’il possédait à Guînes; mais la première mention officielle, si l’on peut dire, du nom de Gisna (Guînes) ne se trouve qu’en 807 dans un acte de donation daté du 11 octobre de la même année, par lequel une dame nommée Lebtrude transmet aux moines de la célèbre abbaye audomaroise les propriétés qu’elle détient sur les bords de Ghisnerlet, rivière de Guînes, en un lieu-dit Wasconingawalla, mot dans lequel il est difficile de reconnaître le nom actuel de la Walle.
Lorsque Sifrid le Danois et les Normands vinrent s’emparer, au début du Xème siècle, de l’endroit où s’élève aujourd’hui cette charmante cité, ce n’était encore probablement qu’une bourgade sans défense. Il fit élever une motte qu’il entoura de haies vives et qu’il joignit d’un double fossé pour s’y mettre à l’abri de toutes attaques. C’est là l’origine du château fort de Guînes… Sifrid fut reconnu officiellement comme premier comte de Guînes par le comte de Flandres (le vieux) dont il devint le vassal.
Sous les successeurs de Sifrid, Guînes et ses environs acquirent une importance considérable. Dès le commencement du XIIème siècle, le comte Manassès fonda dans les Faubourgs de sa capitale, une abbaye de femmes de l’ordre de saint Benoit. Ce monastère fut placé sous le patronage de saint Léonard. A cette époque, la ville de Guînes renfermait à l’intérieur de ses murailles trois paroisses, dont les églises étaient consacrées à saint Bertin, saint Pierre et saint Médard.
A l’extérieur des remparts existaient également, outre l’abbaye des Saint-Léonard, l’église de saint Blaise du Hameau de Melleke et la léproserie de Saint-Quentin du Hameau de Spelleke (au Tournepuits).
A la fin du XIIème siècle, Baudouin II fit construire en pierre de taille, sur le vieux donjon de Sifrid, un palais de forme circulaire auquel il donna une très grande élévation. En outre, il fit clore la ville de Guînes d’un mur de pierre, avec des tours de défense à chaque porte.
A cette époque pourtant le territoire et la ville de Guînes eurent terriblement à souffrir des guerres qui opposèrent le roi de France Philippe – Auguste et le comte de Flandre. Les terres furent plusieurs fois envahies par les troupes royales ainsi que celles de Renaud et de Dammartin, comte de Boulogne. En dépit de ces catastrophes, Arnoul II eut pourtant en 1214 la consolation de participer à la victoire de Bouvines.
Arnoul III, douzième comte de Guînes, fait prisonnier à la bataille de Walkerem (Hollande) le 12 juillet 1253, dut, pour se racheter, vendre son comté au roi de France, en 1285. Dix ans plus tard, en 1295, Philippe le Bel en rendit, une partie à Jeanne de Guînes, petite fille d’Arnoul III, épouse de Jean de Brienne, Comte d’Eu, qui prit dès lors le titre de Comte d’Eu et de Guînes.
Le 19 novembre 1350, Raoul II de Brienne, quinzième et dernier Comte de Guînes, Connétable de France, accusé de trahison après la prise de Caen par les Anglais, futdécapité à Paris à l’Hôtel de Nesles, sur l’ordre de Jean-le-Bon, qui donna le Comté d’Eu à Jean d’Artois et rattacha le Comté de Guînes au domaine royal. Trois ans après la prise de Calais, le 22 janvier 1351, le château de Guînes fut livré par trahison aux Anglais, et en 1360, le traité de Brétigny abandonna complètement au roi d’Angleterre la ville et son Comté. L’occupation et les guerres continuelles qui s’ensuivirent achevèrent la ruine du territoire. Abbayes, monastères et château disparurent dans le pillage et l’incendie.
En 1520, la plaine qui s’étend entre Guînes et Ardres vit se déployer l’extravagante magnificence de la célèbre entrevue du Camp du Drap D’or entre Henry VIII, roid’Angleterre, et François 1er, roi de France. Le fameux palais de cristal d’Henry VIII se dressait à la porte du château de Guînes.
En 1558, sous Henri II, cinq jours après la reprise de Calais par le duc de Guise le 13 janvier, l’armée française se présenta devant Guînes qui fût investie le 17. Lord William, Greg de Wilton qui commandait une garnison de 1400 hommes, voyant que la ville proprement dite ne pouvait être défendue, l’abandonna après l’avoir incendiée et se retira dans le château. Le Duc de Guise ouvrit le feu de ses batteries le 17 avec tant de succès que, le 22 au soir, l’ennemi se trouvait dans une situation tellement désespérée qu’il demandait à capituler.
Le pays avait à peine réparé ses désastres que les Espagnols s’emparèrent à leur tour de Calais et de Guînes en 1596. Ils occupèrent le pays jusqu’au traité de Vervins en 1598 et y exercèrent de nouveaux ravages.
Le traité de Vervin avait été précédé de quelques semaines par l’Edit de Nantes qui accordait aux protestants la liberté de conscience. A la faveur de cet édit, de nombreuses familles huguenotes vinrent chercher dans le calaisis et notamment à Guînes, où ils jouissaient de la même liberté que les catholiques, un refuge contre la rigueur que les espagnols, alors maîtres des Pays -Bas, exerçaient contre elles. Ils rendirent cette petite cité une des plus florissante du calaisis. C’est alors que fut construit le fameux temple de Guînes ou se réunirent tous les protestants du pays reconquis. Ce temple fut détruit en 1685 après la révocation de l’Edit de Nantes qui obligea les membres de la religion prétendue réformée à se convertir à la religion catholique; beaucoup d’entre eux préférèrent s’expatrier en Angleterre ou en Hollande.

Le 16 octobre 1673, la ville de Guînes fut à nouveau pillée et incendiée par les Espagnols. 200 maisons furent brûlées.
Son existence fut bien paisible et bien monotone au sièclesuivant où elle ne comptait guère plus de 1500 habitants. Ce n’est que peu d’années avant la Révolution qu’elle obtint l’autorisation de se constituer en commune indépendante de Calais. A cette époque, Guînes se contentait de suivre les instructions des pouvoirs qui se succédaient, consacrant toute son énergie et son activité aux affaires locales.
Elle fut le point d’atterrissage, en 1785, du premier voyage aérien au dessus de la mer: C’est elle qui accueillit Blanchard et Jeffries venant de Douvres.
Ville à l’activité purement agricole, heureusement située entre la mer et une forêt magnifique qui s’étend sur son territoire, Guînes est particulièrement favorisée par son attrait touristique. Le bois de Ballon, situé à deux kilomètres de la ville, est un site charmant et attrayant par excellence pour tous ceux qui recherchent le calme et l’air pur. Les petits chemins ombragés d’arbres et de haies qui parcourent la campagne à travers les prés permettent de pittoresques et agréables promenades où chaque pas fait revivre les merveilleux souvenirs du passé.
Il faut signaler aux curieux épris de beaux paysages et de vieilles pierres la Tour de l’Horloge, reconstruite en 1763 sur la vieille motte où se dressait autrefois l’antique donjon du château ;de la terrasse on jouit d’une vue unique sur tout le calaisis.
Dans une clairière de la forêt s’élève la colonne commémorative de la descente, en cet endroit, le 7 janvier 1785, de l’aéronaute Blanchard et du docteur Jeffries, après leur traversée du détroit en ballon.
Il convient de signaler également l’emplacement du palais de cristal, construit sur l’ordre du roi Henri VIII au lieu-dit le Parcage, le site du Camp du Drap d’Or avec sa stèle érigée en 1972 et le buste du Duc de Guise inauguré en 1958.
D'aprés le fondateur du musée, Emile VILLEZ

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